Le plaidoyer, c'est bien gentil, mais ça ne marche pas ! Voilà bien une croyance ancrée chez nombre de personnes. Pourtant, je vais vous prouver que c'est une erreur et que, sans le savoir, vous avez probablement contribué à des campagnes réussies de plaidoyer.
Mais commençons par un peu d'histoire !
L'histoire du terme "plaidoyer" se dévoile comme une trame fascinante, tissée aux États-Unis à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Alors que le monde émergeait des décombres de conflit, une nouvelle ère de relations internationales prenait forme, avec le plaidoyer en tant que protagoniste discret et influent.
L'importation de ce concept et son adoption à une échelle plus internationale ont trouvé leur épicentre dans les années 90, principalement dans le domaine de l'aide internationale. Les ONG et le tiers secteur, déjà actifs dans les décennies précédentes, ont intensifié leurs efforts pour s'immiscer davantage dans les arènes politiques et dialoguer avec les décideurs. Bien que ces pratiques existent avant cette période, elles ont gagné en amplitude et en reconnaissance.
À côté des acteurs politiques et économiques traditionnels, de nouvelles voix ont émergé, portées par la volonté des ONG et des acteurs politiques de faire participer activement ce secteur à la formulation des politiques et des décisions. L'année 2007 a marqué un jalon significatif, lorsque l'Union européenne a publié son Livre blanc. Cette initiative visait à redorer le blason d'une institution souvent perçue comme trop technocratique et éloignée des préoccupations citoyennes. Les portes se sont enfin ouvertes de manière plus large pour les ONG et de nombreux acteurs de la société civile, qui ont saisi cette opportunité pour faire entendre leur voix.
La véritable transformation du plaidoyer s'est accélérée avec l'avènement des médias sociaux au cours des dernières décennies. Les plateformes en ligne ont permis aux organisations de la société civile de mobiliser rapidement des audiences mondiales, de sensibiliser aux enjeux et de faire pression sur les gouvernements de manière plus directe. Les campagnes virales, les pétitions en ligne et les actions de plaidoyer virtuelles sont devenues des outils puissants pour influencer l'opinion publique et promouvoir des changements politiques.
Cependant, malgré la reconnaissance croissante du plaidoyer au niveau international et européen, son déploiement au niveau national ou local reste marqué par une absence de pratique coordonnée, définie et institutionnalisée pour les associations. Si l'on peut trouver quelques chargé·es de plaidoyer au sein d'associations nationales, ils demeurent souvent des exceptions plutôt que la norme, soulignant ainsi le chemin qui reste à parcourir pour une intégration plus généralisée de ces pratiques à tous les niveaux de la société civile.
Comment le plaidoyer marque l'histoire et contribue à façonner le monde que nous connaissons ?
Des leaders…
Les campagnes de plaidoyer efficaces et qui ont eu une portée nationale et/ou internationale ne manquent pas. Des leaders sont parfois valorisés pour leurs actions et sont des voix qui portent, qui comptent aujourd'hui encore. On peut penser aux batailles pour les droits civiques aux États-Unis avec des personnes comme Rosa Parks, Martin Luther King, Angela Davis… Plus près de chez nous, Assa Traoré est devenue une figure charismatique en créant le mouvement "Vérité et justice pour Adama", en luttant contre les violences policières.
Des actions coup de poing…
Ces grandes campagnes sont le fruit d'associations, de collectifs, de mouvements et partent généralement de quelques personnes. Elles font tache d'huile en utilisant par exemple des actions coup de poing, comme l'évoque très bien le film 120 battements par minutes qui retrace l'activisme du groupe Act Up-Paris dans les années 1990, luttant contre l'indifférence face à l'épidémie de VIH/sida. L'association a notamment recouvert l'obélisque de Paris d'un immense préservatif, faisant la Une des journaux en France et dans de très nombreux pays.
Des exemples qui s'inscrivent dans l'histoire cinématographique…
Le film Pride, qui raconte la véritable histoire d'un groupe de militants LGBT londoniens qui décident de soutenir la grève des mineurs gallois en 1984, parle davantage de la convergence des luttes. Le film explore la naissance improbable d'une alliance entre ces deux communautés. Même si les mineurs n'ont pas obtenu gain de cause, lors des débats et des votes au sein du parti travailliste anglais sur les droits LGBTQI, le syndicat des mineurs a été un appui important pour faire évoluer le point de vue du parti. Dans le film, le leader explique que les militants LGBT subissent moins de violence à cette période parce que la police est focalisée sur les mineurs.
Des artistes qui embrassent des causes et embrasent les plaidoyers…
Le concert à Wembley en 1988 pour les 70 ans de Nelson Mandela est représentatif du rôle que les artistes peuvent jouer dans une campagne de plaidoyer. Soixante heures de musiques, de discours portés par de grandes stars, retransmises dans 67 pays, mettant en lumière le régime d'apartheid et l'incarcération d'une des plus grandes figures du 20ᵉ siècle. La chanson de Simple minds, Mandela Day, a été diffusée partout bien après le concert, continuant à porter un message qui a contribué à accroitre la pression sur l'Afrique du Sud et sa politique raciste.
Des mouvements qui se perpétuent aujourd'hui… L'exemple le plus récent d'un plaidoyer qui porte, ce sont tous les combats autour des questions environnementales. Quand on pense à ces campagnes, on pense très vite à Greta Thunberg. Une jeune fille, qui a l'air sage et calme avec ces nattes, a réussi à attirer sur elle et sur ses batailles une attention médiatique mondiale et a embarqué de nombreux jeunes dans son sillage, ouvrant des débats intenses, parfois très violents, sur les dérèglements climatiques. Elle n'était pas la première. Elle n'est pas la dernière et le combat n'est pas fini, mais elle a créé un sursaut international.
Des plaidoyers qui ne s'arrêtent jamais et qui prennent des multiples formes…
Les combats féministes sont illustratifs de ces plaidoyers qui peuvent durer très longtemps, qui nécessitent de temps en temps de reprendre du souffle, comme pour les batailles sur l'avortement qui ont marqué les années 70 et 80 et qui sont aujourd'hui à nouveau sur le devant de la scène suite à plusieurs décisions politiques qui font marche arrière comme en Pologne ou aux États-Unis. Des leadeuses qui inspirent des générations de femmes (Simone Veil, Angela Davis, Olympe De Gouges, Simone De Beauvoir, Emmeline Pankhurst...), des artistes qui ouvrent des brèches, des scientifiques qui obtiennent petit à petit la reconnaissance qu'elles méritent, des jeunes filles qui s'opposent avec vigueur aux diktats de la société et au sexisme quotidien… Les mouvements féministes sont un exemple fort de tout ce que des campagnes de plaidoyers peuvent accomplir.
