Plaidoyer et lobbying : des frontières volontairement floues ?

L'association du plaidoyer à l'art de convaincre rend difficile la distinction avec le lobbying. Les deux actions ont pour objectif commun d'influencer par la persuasion. Il est nécessaire d'explorer d'autres critères pour déceler d'éventuelles différences.

Intérêt général versus intérêt personnel : Pourquoi cherchons-nous à convaincre ?

Lorsqu'on tente de différencier plaidoyer et lobbying, la mobilisation des notions d'intérêt général et d'intérêt personnel est souvent évoquée en premier lieu. Selon cette perspective, le plaidoyer servirait l'intérêt général, tandis que le lobbying défendrait des intérêts personnels. 

Cependant, définir précisément ces notions n'est pas simple lorsque les frontières sont floues. De manière caricaturale, on pourrait affirmer que les ONG, les syndicats et les associations plaident en faveur de l'amélioration de la situation des personnes qu'elles représentent, tandis que les entreprises et les acteurs privés font du lobbying pour protéger leurs intérêts économiques. 

Toutefois, cette dichotomie ne résiste pas à une analyse approfondie, car la détermination des intérêts défendus dépend généralement de ceux qui en parlent, y compris les organisations pratiquant le plaidoyer, les organismes de transparence et les médias. 

Lorsqu'une organisation de la société civile plaide, elle peut être influencée par des éléments internes, tels que l'histoire de la structure, la conviction de parler au nom de ses membres et des intérêts institutionnels. 

De même, une entreprise privée, tout en défendant ses intérêts économiques, peut également prendre en considération le travail de ses employés, la situation économique de la région ou du pays où elle opère, et les conséquences de ses décisions sur la population. 

Accepter la nuance et la complexité, plutôt que de s'en tenir à une posture morale simpliste, révèle que la dualité entre intérêt général et intérêt personnel rend difficile l'établissement d'une distinction claire entre le plaidoyer et le lobbying. 

Un temps pour le plaidoyer, un temps pour le lobbying : Quand et comment convaincre ?  

Une autre approche pour distinguer le plaidoyer du lobbying consiste à examiner le rôle et les fonctions de chacune des actions, en mettant l'accent sur la publicité des actions et la temporalité. 

Selon cette approche, il existerait une stratégie visant à concilier une phase de "plaidoyer" pour sensibiliser aux grands enjeux, notamment par une action publique et la mobilisation de la population, suivie d'une phase de "lobbying structurée" et argumentée cherchant à convaincre les décideurs publics. 

Le plaidoyer serait déployé pour attirer l'attention des décideurs, tandis que le lobbying agirait directement sur la décision en proposant des amendements ou des changements législatifs. 

En considérant la temporalité et la publicité des actions, on peut identifier trois phases distinctes : la mobilisation du grand public, la diffusion des résultats concrets des rencontres avec les décideurs et, enfin, des méthodes plus discrètes impliquant des relations privilégiées pour influer sur les législations. 

Bien que le public cible puisse varier à chaque étape, influencer les décideurs demeurent l'objectif final. 

Plaidoyer et lobbying : des frères jumeaux ? 

L'approche basée sur la question de l'intérêt ne suffit pas à distinguer le lobbying du plaidoyer. En revanche, l'approche basée sur la temporalité et les rôles offre une ligne de démarcation entre les deux, permettant aux acteurs de combiner les activités de plaidoyer et de lobbying, indépendamment de leur origine (ONG, associations, syndicats, entreprises privées). 

Cependant, ces analyses négligent deux aspects cruciaux : la perception des acteurs et l'objectif final des requérants. 

  1. L'image des acteurs : La réputation des lobbyistes est entachée, notamment en raison de craintes de corruption et de liens parfois troubles avec des représentants politiques. Cette défiance n'affecte guère les associations et ONG, qui jouissent d'une réputation positive auprès du grand public. 
  2. L'objectif final des requérants : Au-delà de l'intérêt général ou particulier, la capacité à faire évoluer sa position est essentielle. Les entreprises privées visent principalement à atteindre leurs objectifs catégoriels, même si cela se fait au détriment d'autres acteurs, soulignant la nécessité d'une distinction entre les deux approches.

À qui sert la confusion des termes ? 

Bien que la réputation des lobbyistes demeure positive auprès des acteurs politiques, une distinction entre les deux pratiques est nécessaire.

La société civile a tout intérêt à se distinguer du lobbying pour maintenir une image positive et concentrer son objectif sur l'amélioration des conditions de vie.

Les entreprises ont intérêt à évoluer en entretenant la confusion en utilisant le terme "plaidoyer" pour profiter de son image flatteuse.

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